Personne...

Il n’y avait personne quand j’ai craqué… Personne le matin ou je me suis réveillée et que je n’en pouvais plus d’être la bouée de sauvetage de ma petite perle terrorisée par le déracinement qu’est l’adoption… Il n’y avait personne d’autre que Fille Charmante qui n’avait que 14 ans à l’époque. Ce matin là, la petite s’est réveillée, je me suis levée, je suis entrée dans la chambre de Fille Charmante en pleurant et je lui ai dit : «Occupes-toi d’la p’tite, moi ch’pus capable…» J’ai vu son regard paniqué, pis j’suis retournée dans ma chambre… J’ai pleuré toute les larmes de mon corps, puis je me suis ressaisie en me disant : « J’ peux pas me permettre de craquer parce que…
Y’a personne…»

Il n’y avait personne quand la p’tite avait peur de tout le monde dans les magasins, sur la rue, à l’épicerie et que je devais la garder constamment dans mes bras. Il n’y avait personne pour la consoler et la rassurer en voiture quand je conduisait et qu'elle hurlait. Personne non plus pour prendre la relève quand je n’en pouvais plus…

Personne quand j’ai emmené ma p’tite chez le médecin la première fois, ni toutes les autres fois d’ailleurs. Au Baptême quand le curé a demandé aux parents de venir présenter leur bébé, il n’y avait personne en avant avec moi pour présenter ma Petite Perle. Personne quand j’ai eu la peur de ma vie parce qu’elle a déboulé l’escalier au complet (17 marches en bois). Trop, ben trop préoccuper que j’étais à cause de nos problèmes de couple, j’avais complètement oublié de fermer la barrière. Personne pour m’aider à me libérer de la culpabilité qui m’a ronger pendant des jours suite à cet incident.

Il n’y avait personne quand j’ai traversé l’enfer avec Cora-Li suite à mon absence de 5 jours et à notre déménagement. Personne pour m’aider à chercher, à trouver et comprendre ce qui nous arrivait… Personne quand j’en pouvais pus, quand j’avais peur de craquer complètement et de ne plus être capable de continuer. Personne pour m’aider et m’encourager quand tout ce que je faisais semblait voué à l’échec.

Il n’y avait personne quand un neurologue de l’hôpital Ste-Justine m’a annoncé que ma petite avait le syndrome Gilles de la Tourette. Moi j’allais à ce rendez-vous bien certaine que j’allais me faire confirmer qu’elle n’avait pas ce syndrome. J’avais prévu aller dans le quartier Chinois après et aller souper au restaurant. En état de choc que j’étais après cette nouvelle, j’ai décidé de retourner chez moi pour m’enfermer dans ma caverne… Il n’y avait personne quand j’ai dit à Cora-Li : « On n’y va pas dans le quartier Chinois, on s’en va chez nous» La crise qu’elle m’a pété!!! Oufff! La crise que JE lui ai pété,,, vous pouvez même pas imaginé!!!! Pauvre petite… J’étais loin d’être disposée à gérer une crise… Pis y’avait personne... ni pour elle, ni pour moi. Il n’y a personne non plus depuis ce jour là pour l’observer tout l’temps ma p’tite, pour douter de ce diagnostique avec moi et chercher encore des solutions pour la guérir…

Il n’y a personne pour se souvenir avec moi de notre voyage en Chine, de notre rencontre, de nos premier moments avec elle. Personne quand ch’t’à boutte, pis que j’ai pus de patience. Personne pour m’appuyer quand elle essaie de me tenir tête... Personne avec qui échanger un regard émue quand je vais la voir à ses cours de natation et qu’elle réussit à se mettre la tête dans l’eau enfin! Elle qui avait si peur de l’eau!

Personne quand je l'ai emmené à l'urgence cet hiver pensant qu'elle avait un traumatisme cranien. Personne le lendemain quand je l'ai laissé toute seule dans la salle de scanner... Elle pleurait en silence... Moi aussi... Personne quand nous étions en vacance, que j'avais les bras trop chargé de bagage dans l'ascenseur, que Cora-Li a sorti et que moi je n'ai pas eu le temps et que les portes se sont refermées et que l'ascenseur s'est mit à monter et à arrêter à tous les étages avant de redescendre... Personne pour m'aider avec mon trop de bagage et ma petite en crise d'hystérie quand enfin l'ascenseur est revenu à l'étage où j'étais!

Il n’y avait personne le matin de Noël pour rire avec moi sous les couvertures quand elle venait voir toutes les 2 minutes à 2 pouces de mon visage si j’étais réveillée. Personne avec qui être fière d’elle de tout ce chemin qu’elle a parcouru, Personne qui la connais autant que moi et qui sait à quelle point elle s'est battu pour se dépasser. Personne qui sait à quel point JE me suis battu pour l'aider à sortir de ce pétrin dans lequel elle a été plonger. Personne pour la faire grimper au parc quand c’est trop haut pour moi et que j’suis pas assez grande, pas assez forte. Personne pour lui faire découvrir le monde avec moi et la voir s’émerveiller devant tout ce qu’elle découvre. Il n'y a personne qui désir aussi fort que moi ce qu’il y a de mieux pour elle.

Bien sûr je ne suis pas toujours toute seule, il y a mes 2 grands enfants qui sont là et qui m’offre une belle présence et un bon soutient aussi mais ils ont une vie bien remplie et bien à eux maintenant, et j’en suis très fière. Il y a une grand-maman et des amis(es) aussi, mais quand tout le monde rentre chez soi le soir venu, il n’y a personne qui rentre avec moi ou qui m’attend. Personne pour débarquer la p’tite de l’auto quand je rentre tard et qu’elle s’est endormie en chemin. Personne avec qui placoter de la journée ou planifier les prochaines vacances. Personne avec qui partager les p’tits bonheurs et les p’tits malheurs du quotidien…

Non personne… Pis c’est dur des bouttes quand y’a personne…